Les spots télévisés
Après la Deuxième Guerre mondiale, les entreprises américaines misèrent plutôt sur les spots TV pour vanter leurs produits. Mais ce n’est qu’en 1952 que la publicité à la télévision s’imposa à l’élection présidentielle. L’ancien général Dwight Eisenhower fit appel à une agence new-yorkaise et fit tourner des dizaines de spots ne dépassant jamais les 30 secondes. Ils émaillaient les pauses publicité des séries populaires de fin d’après-midi. Dans leur forme, ils ressemblaient à de la pub pour des lessives. Mais ils ont fait du soldat un politicien aimable et accessible. Pour son adversaire, une telle publicité était trop banale. Le brillant Adlai Stevenson renonça aux spots TV… et perdit l’élection.
Après l’assassinat de Kennedy en novembre 1963, Lyndon B. Johnson hérita de la présidence pour la fin du mandat. Il réussit son retour à la Maison-Blanche à l’aide d’un procédé alors inédit: la mauvaise publicité. Dans le spot Daisy Girl, devenu célèbre, il montrait une petite fille qui effeuillait une marguerite… et devenait victime d’une explosion nucléaire. Ce faisant, il décrivait le républicain Barry Goldwater comme un imbécile qui, en pleine guerre froide, ignorait la menace nucléaire et mettait en danger l'Amérique. Johnson ne fit diffuser ce spot qu’une seule fois, ce qui suffit pour déclencher un scandale national. Dans les émissions d’information, les experts se succédaient, débattaient du spot que l’on ne voyait désormais plus que dans les infos. Finalement, Johnson se distancia de celui-ci, ce qui ne fit que souffler sur les braises de la polémique. Une tactique que, depuis lors, les grands groupes américains, tout comme les candidats à une charge politique, imitent.
Les chaînes d’info en continu
Des décennies durant, les Américains regardaient pour l’essentiel la TV via leur antenne sur le toit. Les chaînes nationales comme ABC, CBS et NBC proposaient des séries, du sport et des infos. La TV câblée n’a longtemps joué qu’un rôle accessoire. Jusqu’à ce qu’un jeune gouverneur de l’Arkansas fasse ses premiers pas en politique. Nous sommes en 1992: au lieu de placer
de la pub coûteuse sur les grandes chaînes, Bill Clinton exploita la TV câblée. Grâce à elle, ses messages étaient diffusés moins cher et géographiquement mieux ciblés sur son cercle électoral. Clinton réduisit ainsi considérablement l’éparpillement des fonds destinés à polir son image.
En même temps, ses conseillers découvraient l’effet multiplicateur de la jeune chaîne d’information en continu CNN. Tandis que ses rivaux George H. W. Bush et Ross Perot se lamentaient de leurs faibles audiences, on voyait souvent Clinton chez Larry King. Et ce qu’il y racontait faisait les titres des journaux. C’est encore Clinton qui, en 1996, en pleine année électorale, fit installer un premier site internet pour la Maison-Blanche. Son adversaire, Bob Dole, n’avait rien de semblable à proposer. Et Clinton fut réélu.
Première élection internet
Internet décida pour la première fois du résultat de l’élection présidentielle américaine en 2004. Les stratèges républicains entourant George W. Bush avaient investi des millions pour mettre sur pied des fichiers d’adresses électroniques sophistiqués. Dans les comtés majoritairement démocrates, ils alimentaient prioritairement les abstentionnistes en infos sur le président Bush. Ce qui a spécialement bien marché parmi les Afro-Américains de l’Ohio, un swing state dont le vote est souvent décisif. Alors que dans tout le pays seuls 8% des Noirs accordaient leur vote à Bush, il obtint 16 % du vote afro-américain dans l’Ohio. Assez pour l’emporter sur John Kerry.
Puis vint le «président tweeteur»… Il ne s’agit cependant pas de Trump, mais déjà, en 2008, d’un des surnoms de Barack Obama. Le sénateur de l’Illinois utilisa avec maestria l’offre de réseaux sociaux qui se répandaient à une vitesse foudroyante. Il avait compris que les jeunes électeurs, en particulier, communiquaient de préférence via Twitter, où il mobilisait ses supporters par de brefs messages. Par ailleurs, Obama diffusait des vidéos promotionnelles sur YouTube, alors en plein essor, ou publiait sur Flickr des photos personnelles. Sur Facebook, il comptait cinq fois plus d’amis que son adversaire John McCain.
Qu’est-ce que tout cela signifie pour l’issue de l’élection actuelle? Le résultat pourrait être plus serré que ce que prédisent les sondages. Le démocrate Joe Biden serait certes en tête. Mais Facebook, où les contenus conservateurs sont plus souvent partagés que les contenus progressistes, reste toujours le média de référence dans la stratégie de l’équipe de Trump.